Définition
1. Epidemiologie
- L’incidence du cancer du rein est en augmentation dans les pays développés. Il représente 3 % des cancers de l’adulte et est au 3e rang des cancers urologiques. Le ratio homme femme est 3/2. Il est plus fréquent dans la 6e décade.
- Les facteurs de risque sont l’insuffisance rénale chronique et les formes familiales liées à des anomalies génétiques.
- Le risque (lié à une dysplasie rénale multikystique) est très augmenté par rapport à la population générale chez les patients insuffisants rénaux dialysés. Ce risque augmente avec la durée de la dialyse et justifie une échographie annuelle.
- Les formes héréditaires sont rares (1 à 2 %). Les plus connues sont la maladie de Von Hippel Lindau, le syndrome de Birt-Hogg-Dubé et la sclérose tubéreuse de Bourneville.
- Les autres facteurs de risque en dehors de l’obésité sont discutés voir discutables. Tabac, hypertension artérielle.
2. Diagnostic du cancer du rein
- 50% des tumeurs du rein sont découvertes fortuitement.
- L’association douleurs du flanc, hématurie (sang dans les urines) et masse palpable n’est présente que dans 10 % des cas.
- L’hématurie est le symptôme le plus fréquent.
- La fatigue, perte de poids et altération de l’état général ne sont présent que dans les formes avancées.
- Les progrès des examens radiologiques expliquent l’augmentation de la découverte fortuite de petites tumeurs rénales souvent < 4 cm. La plupart du temps, ces tumeurs sont accessibles à un traitement curatif et en particulier à une chirurgie partielle du rein (conservant une partie du rein)
- L’échographie est souvent le premier examen qui détecte la tumeur mais elle ne fait pas le diagnostic.
- Le scanner permet non seulement de faire le diagnostic mais il participe au bilan d’extension
- L’IRM (imagerie par résonnance magnétique) permet comme le scanner de faire le diagnostic de la tumeur, elle a un intérêt particulier dans les tumeurs kystiques.
Image scannographique d’un cancer du rein gauche
Image IRM d’un carcimome kystique du rein gauche
3. Diagnostic différentiels principaux
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Kystes simples du rein ou discrètement remanié.
Les caractéristiques scannographiques des kystes permettent d’évaluer leur bénignité probable. En effet, l’aspect radiologique du kyste permet de diagnostiquer un kyste bénin avec certitude quand le kyste est de densité hydrique avec des limites régulières sans paroi visible (type I). Par contre, la présence de cloisons épaisses, d’une paroi, de calcifications ou de végétations peut faire suspecter une tumeur kystique maligne qui nécessite une prise en charge chirurgicale.
Ces caractéristiques sont regroupées dans la classification de Bosniak
La classification distingue une type IIF (F= follow up) qui correspond à une lésion intermédiaire entre le type II et III qui nécessite une surveillance annuelle.
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Tumeurs bénignes : angiomyolipome et oncocytome
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Angiomyolipome :
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- Cette tumeur est présente chez 0,3% de la population générale avec un ratio homme femme ¼.
- Elle a 3 composantes : vaisseaux, graisse et tissu musculaire lisse.
- Elle est soit sporadique soit familiale (Sclérose tubéreuse de Bourneville ou maladie de Von Hippel Lindau).
- Le diagnostic est fait de manière spécifique par le scanner quand il montre au sein de la tumeur de la graisse sans calcification.
- L’IRM montre également des images très évocatrices avec un hypersignal T1 et chute de signal en saturation de graisse.
- Le risque est l’hémorragie quand la vascularisation est importante avec présence d’anévrisme ou quand la taille de la tumeur est supérieure à 4 cm.
- Conduite à tenir : Surveillance si la taille < 4 cm.Quand la tumeur mesure plus de 4 cm, on proposera une embolisation sélective ou une chirurgie rénale conservatrice.
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Oncocytome :
- Elle représente 10% des tumeurs du rein.
- Les examens radiologiques peuvent mettre en évidence une cicatrice stellaire centrale qui fait évoquer le diagnostic mais qui n’est pas spécifique.
- Devant le doute avec une tumeur maligne, une chirurgie rénale conservatrice est proposée.
4. Anatomopathologie et stadification des tumeurs malignes du rein
L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire détermine la nature de la lésion, l’extension loco-régionale et son grade. Il évalue ainsi le pronostic et la prise en charge thérapeutique qui en résulte.
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Types de tumeur
- Carcinomes à cellules claires ou éosinophiles représentent 85 % des tumeurs du rein de l’adulte.
- Carcinomes à cellules chromophobes (5%).
- Carcinomes papillaires (10-15%).
- Carcinomes des tumeurs collecteurs ou de Bellin (<1%).
- Autres.
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Le système actuel de classification et de stadification du cancer du rein est le TNM 2009
- T – Tumeur primitive
- TX La tumeur primitive ne peut être évaluée
- T0 Aucune preuve de tumeur primitive
- T1 Tumeur limitée au rein ≤ 7 cm de grand axe
- – T1a Tumeur limitée au rein ≤ 4 cm de grand axe
- – T1b Tumeur limitée au rein > 4 cm mais ≤ 7 cm de grand axe
- T2 Tumeur limitée au rein > 7 cm de grand axe
- – T2a Tumeur limitée au rein > 7 cm mais ≤ 10 cm de grand axe
- – T2b Tumeur limitée au rein > 10 cm
- T3 Tumeur intéressant les veines principales ou envahissant la graisse péri-rénale ou du sinus rénal mais sans atteindre le fascia de Gerota
- – T3a Tumeur envahissant la veine rénale ou ses branches de division segmentaires, la graisse du sinus rénal ou péri-rénale mais n’atteignant pas la surrénale et ne dépassant pas le fascia de Gerota.
- – T3b Tumeur envahissant la veine cave sous forme d’un thrombus sous diaphragmatique.
- – T3c Tumeur envahissant la paroi de la veine cave inférieure ou thrombus s’étendant au-dessus du diaphragme
- T4 Tumeur s’étendant au-delà du fascia de Gerota, incluant l’envahissement de contiguïté de la surrénale homolatérale.
- N – Envahissement des ganglions régionaux
- NX les adénomégalies ne peuvent être évaluées
- N0 Pas de métastase ganglionnaire
- N1 Métastase ganglionnaire unique
- N2 Plus de 1 métastase ganglionnaire
- M – Métastase à distance
- MX Les métastases à distance ne peuvent pas être évaluées
- M0 Pas de métastase à distance
- M1 Métastase à distance
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Le grade nucléaire de Furhman (4 grades) est un critère pronostic important. Le pronostic est moins bon quand ce grade est élevé. Il vient en complément de la classification TNM sur l’analyse de la pièce opératoire.
5. Indications de la biopsie
Les biopsies tumorales radioguidées sur indiquées quand le résultat de la biopsie change la stratégie thérapeutique :
- Suspicion de tumeur secondaire (lymphome ou métastases) devant une tumeur multiple ou extrarénale.
- Chez un patient à haut risque chirurgical.
- Si un traitement mini-invasif est envisagé (radiofréquence ou cryothérapie).
- Si rein unique ou tumeur bilatérale quand la fonction rénale est compromise par la chirurgie.
- Discutée en cas de probabilité élevée de lésion bénigne et si la tumeur est de petite taille (15 à 20 % de bénignité).
En cas de suspicion de carcinome urothélial ou d’angiomyolipome, les biopsies sont contrindiquées.
6. Le traitement chirurgical
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Technique
- La Néphrectomie totale élargie
Le principe du traitement chirurgical du cancer du rein est la néphrectomie totale. C’est l’ablation du rein dans sa loge après contrôle premier des vaisseaux associée selon les cas à une ablation de la surrénale.
Le traitement standard d’une tumeur du rein est l’ablation par voie chirurgicale ouverte
Depuis plus de 10 ans, la prise en charge des tumeurs rénales a été révolutionnée par la chirurgie cœlioscopie ou vidéo-chirurgie d’une part et par la chirurgie partielle du rein qui n’enlève qu’une partie du rein avec la tumeur. Cette chirurgie partielle est d’ailleurs réalisée de plus en plus souvent par cœlioscopie.
FICHE AFU : Nephrectomie totale pour tumeur
- La Néphrectomie partielle
FICHE AFU : Nephrectomie partielle pour tumeur
Cancer du rein – Tumorectomie par coelioscopie

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Indications :
- Les tumeurs kystiques
Les kystes suspects classés III ou plus (Bosniak) sont des indications chirugicales (voir tableau ci-dessus).
- L’ angiomyolipome (en cas de risque hémorragique)
Si la taille est inférieure à 4 cm, la surveillance est recommandée.
Si la taille est supérieure à 4 cm, une embolisation ou une chirurgie conservatrice peut être proposée.
- Les Tumeur dont la nature est indéterminée une biopsie peut être proposée. En l’absence de conclusion et selon le terrain. Une chirurgie peut être également indiquée.
- Les tumeurs fortement suspectes de malignité sont une indication chirurgicale
7. Traitements mini-invasifs
Des nouvelles techniques de destruction tumorale sont en voie de développement comme les traitements par radio-fréquence (destruction par le chaud) et la cryothérapie (destruction par le froid). Il s’agit d’introduire, sous contrôle radiologique et à travers la peau, une aiguille ou une sonde qui va détruire par coagulation (radio-fréquence) ou congélation (cryothérapie) le tissu tumoral. Les résultats à long terme sont en attente. Le caractère mini-invasif de ces techniques est leur principal intérêt, en particulier chez les patients fragiles.
8. Traitements non chirurgicaux du cancer du rein
Chez les patients présentant une atteinte métastatique ganglionnaire ou à distance, un traitement complémentaire peut être nécessaire.
Les chimiothérapies classiques et la radiothérapie n’ont pas de place dans ce cancer.
Par contre de nouveaux traitements, comme les cytokines et les anti-angiogéniques (inhibent la vascularisation tumorale) sont apparus ces dernières années. Ces nouvelles molécules représentent une révolution dans la prise en charge des cancers du rein métastatiques.
Les recommandations actuelles sont d’utiliser les cytokines en première intention dans les formes de bon pronostic. Pour les autres patients, un traitement antiangiogénique sera préféré. Le sunitinibe (sutent) est le traitement de référence pour les formes de bon pronostic et de pronostic intermédiaire, le Temsirolimus (Torisel) est réservé aux formes de mauvais pronostic.
Le traitement chirurgical (ablation du rein) reste indiqué chez les patients métastatiques car il améliore le pronostic.
9. Pronostic
Le pronostic pour les petites tumeurs localisées non métastatique est excellent avec un taux de rémission complète de 91 à 97 % à 5 ans. Le pronostic reste bon pour les tumeurs plus volumineuses non métastatiques qui restent limitées à la loge rénale.